La Cour de cassation a rendu, le 2 juillet 2025, un arrêt important en matière de donation-partage, confirmant une position désormais stricte : lorsqu’une donation comprend des biens attribués en indivision, même partiellement, elle perd sa qualification de donation-partage et devient une simple donation. A l’origine, des parents avaient consenti une donation-partage à leurs quatre enfants. Trois d’entre eux recevaient chacun plusieurs parcelles en pleine propriété ainsi qu’un tiers indivis d’une maison familiale. Le quatrième enfant recevait une soulte équivalente au quart de la valeur totale des biens transmis. À la suite du décès des parents, cet enfant a saisi la justice pour faire requalifier l’acte, estimant que la présence d’un bien attribué en indivision empêchait tout véritable partage. La Cour d’appel de Lyon lui a donné raison, et la Cour de cassation a confirmé cette analyse. Selon la Haute juridiction, la donation-partage suppose une répartition effective et définitive de tous les biens donnés. Attribuer à plusieurs enfants des droits indivis sur un bien ne met pas fin à l’indivision, mais la fait naître. Un tel acte ne peut donc pas être considéré comme une donation-partage, même s’il prévoit par ailleurs des attributions divisées. « L’opération de partage implique, à titre essentiel, qu’elle mette fin à toute indivision. » Cass. civ. 1re, 2 juill. 2025, n° 23-16.329. Ainsi, la présence d’un seul bien indivis suffit à requalifier l’ensemble de la donation en donation simple. La requalification en donation simple entraîne plusieurs conséquences juridiques importantes : • Tous les biens donnés deviennent rapportables à la succession (C. civ., art. 843) • Les biens sont réévalués à leur valeur au jour du décès et non à la date de la donation (C. civ., art. 922) • Les donataires peuvent demander le partage judiciaire (C. civ., art. 815 et s.) • Une action en complément de part peut être exercée dans les deux ans suivant le décès (C. civ., art. 889) Cette requalification fait perdre à l’acte son effet de stabilisation du patrimoine familial, pourtant recherché dans les donations-partages. Sur le plan fiscal, la position est différente. L’administration fiscale continue de considérer qu’une donation attribuant des parts indivises peut être taxée comme une donation-partage : BOI-ENR-DTMG-20-20-10 § 80. En pratique, la qualification civile et la qualification fiscale peuvent donc diverger. Cependant, cette tolérance administrative pourrait évoluer si la jurisprudence venait à s’imposer durablement. Cet arrêt invite les notaires, conseillers patrimoniaux et familles à une vigilance accrue. Une donation-partage qui comprend des biens indivis, même pour une part marginale, n’est plus juridiquement sécurisée. Bonnes pratiques pour éviter toute requalification : 1. Réaliser des attributions individualisées de chaque bien ; 2. Constituer une société civile et donner les parts sociales de manière divisée ; 3. Scinder les actes : une donation-partage pour les biens divis et une donation simple pour les biens indivis ; 4. Prévoir des soultes pour équilibrer les lots sans créer d’indivision. En conclusion La donation-partage ne tolère aucune indivision, sauf dans le cadre très spécifique des donations-partages transgénérationnelles (C. civ., art. 1078-4, al. 2). Cet arrêt du 2 juillet 2025 rappelle qu’un acte mal structuré peut faire perdre l’ensemble des avantages civils du partage anticipé. Avant toute donation, une analyse fine de la composition du patrimoine et de la structure de répartition des biens est donc indispensable pour sécuriser l’opération.